Isaïe, chapitre 48 – Car tu es un peuple à la nuque raide

Isaïe, chapitre 48 – Car tu es un peuple à la nuque raide. leçon en hébreu

La plupart des chapitres de la seconde partie du livre d’Isaïe sont des chapitres de consolation. Certes, ils contiennent aussi des paroles de réprimande, mais celles-ci sont principalement concentrées entre les chapitres 56 et 66. Notre chapitre fait exception, car il constitue un reproche relativement sévère adressé au peuple d’Israël.
Cette réprimande ne se focalise pas sur des fautes précises, mais sur la nature même du peuple, décrit comme étant à la nuque raide : « Car tu es endurci, ton cou est une barre de fer » (Is 48,4). Le prophète souligne que les fautes et la trahison d’Israël envers D. étaient prévisibles : « Car Je savais que tu trahirais, qu’on t’a appelé rebelle dès le sein maternel » (Is 48,8). D. dit ainsi au peuple d’Israël : Je savais que vous alliez fauter, c’est pourquoi J’avais déjà préparé à l’avance les prophéties annonçant la calamité qui surviendrait lorsque vous pécheriez et seriez punis.
Ces deux thèmes nous sont familiers dans les Cinq Livres de la Torah. En plusieurs endroits, D. et Moïse qualifient Israël de « peuple à la nuque raide ». De même, l’idée que l’abandon par Israël de la voie divine était prévu à l’avance est omniprésente dans les discours de Moïse à la fin de sa vie. Ainsi, il déclare : « Car je sais qu’après ma mort, vous vous corromprez entièrement et vous vous détournerez du chemin que je vous ai prescrit, et le malheur vous frappera à la fin des temps » (Dt 31,29). Dans les derniers chapitres du Deutéronome, Moïse prépare effectivement le terrain aux fautes des enfants d’Israël, à travers des prophéties de malédictions et de réprimandes au cas où ils n’obéiraient pas à la voix de l’Éternel : « Mais si tu n’obéis pas à la voix de l’Éternel, ton D.… » (Dt 28,15).
Pourquoi cette prophétie de réprimande apparaît-elle au milieu d’une série de prophéties de consolation ? Le Rav Abarbanel explique le lien avec le chapitre précédent : « Après que le prophète a évoqué la destruction de Babylone et ses causes, il vient réprimander les habitants de Juda et de Jérusalem pour leurs fautes, car ils étaient eux aussi coupables des mêmes péchés que les Babyloniens » (Abarbanel, Is 48,1). Les Judéens, en entendant la prophétie annonçant la chute de Babylone et leur propre délivrance, se réjouissent et s’enthousiasment, mais le prophète tempère leur joie : Mes amis, vous aussi êtes atteints des mêmes fautes que les Babyloniens ! « Car ils se revendiquent de la ville sainte et s’appuient sur le D. d’Israël » (Is 48,2). Les Judéens se glorifient de leur origine à Jérusalem et du fait qu’ils portent le nom de l’Éternel (ce qui, en un sens, est un progrès puisqu’ils se revendiquent du nom divin). Mais le prophète leur rappelle leur nature rebelle et infidèle envers D.. Il semble que l’explication du Rav Abarbanel sur le lien entre notre chapitre et le précédent éclaire également d’autres passages de ce chapitre. Par exemple, le motif de la prédiction de l’avenir, qui jusqu’ici servait à démontrer la supériorité religieuse d’Israël sur les peuples idolâtres, est utilisé ici contre Israël lui-même.
Dans la continuité de cette réprimande, la raison de la délivrance prend une nouvelle perspective. Si, au chapitre 40, nous avons vu que la rédemption survient parce qu’Israël a suffisamment été puni (« car sa faute est expiée », Is 40,2), dans notre chapitre, la délivrance survient pour la gloire du Nom divin : « C’est pour Moi, pour Moi seul que Je le fais, car comment Mon Nom serait-il profané ? » (Is 48,11). Le chapitre se conclut par un appel au peuple à fuir l’exil, peut-être en écho à la précipitation de la sortie d’Égypte : « Sortez de Babylone, fuyez de Chaldée » (Is 48,20). Cet appel à une fuite rapide semble s’adresser à ceux qui hésitent et ne sont pas nécessairement pressés de quitter l’exil.